Le sursis à statuer : rappels et nouveautés

/ mai 5, 2022

Nous profitons ici d’une jurisprudence récente (CE, 31 janv. 2022, n° 449496, Cne Rillieux-la-Pape) pour refaire un point concernant le sursis à statuer.

1. Rappel des hypothèses permettant de sursoir à statuer

Les cas dans lesquels il est possible de sursoir à statuer sont limitativement énoncés par l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme.

Il peut ainsi être sursis à statuer sur toute demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas suivants :

  • lorsque le terrain fait partie du périmètre d’une ZAC (article L. 311-2 du code de l’urbanisme) ;
  • à partir de l’ouverture de l’enquête préalable à la DUP d’une opération (article L. 424-1 du code de l’urbanisme) ;
  • lorsque les constructions projetées sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuses l’exécution de travaux publics ou la réalisation d’une opération d’aménagement (article L. 424-1 du code de l’urbanisme et article L. 102-13 pour les opérations au sein d’une OIN) ;
  • lorsque les constructions projetées sont de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU, dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du PADD (article L. 153-11 du code de l’urbanisme)
  • lorsque le projet est situé dans un espace ayant vocation à figurer dans le cœur d’un parc national et aurait pour effet de modifier l’état des lieux ou l’aspect de l’espace en cause (article L. 331-6, al. 2 du code de l’environnement)

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a rajouté un cas de sursis à statuer :

  • lorsque les constructions projetées se situent au sein de la carte de préfiguration des zones d’exposition au recul du trait de côte et sont de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU (article L. 121-22-3 du code de l’urbanisme) ou de la future carte communale (article L. 121-22-7 du code de l’urbanisme)

2. Faculté ou obligation de sursoir à statuer ?

C’est dans l’hypothèse d’un permis délivré au cours de la révision d’un PLU que la question a été tranchée.

L’article L. 153-11 du Code de l’urbanisme dispose qu’il peut être sursis à statuer sur toute demande d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan en cours d’élaboration ou de révision.

L’utilisation du terme « peut » laisserait en principe penser que le maire dispose d’une réelle latitude pour surseoir ou non à statuer.

Or il n’en est rien.

Si les conditions d’un sursis à statuer sont réunies, c’est une obligation de sursoir à statuer. L’autorisation d’urbanisme ne doit pas être délivrée, au risque sinon de se voir entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

(CE, 14 octobre 1977, n° 01646, ville Pouliguen ; CAA Paris, 26 décembre 1995, n° 94PA01696 ; CAA Bordeaux, 29 août 2019, n° 17BX02640, Cne Artix ; CE, 20 octobre 2020, n° 430729, Cne Noves).

 

3. Le sursis à statuer face à la cristallisation des règles d’urbanisme en lotissement

Ainsi qu’il vient d’être rappelé, l’autorité compétente doit sursoir à statuer sur toute demande concernant un projet de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU en cours d’élaboration ou de révision.

Mais rappelons aussi qu’en lotissement, les règles d’urbanisme applicables sont figées pendant une période de cinq ans (article L. 442-14 du Code de l’urbanisme).

Par voie de conséquence, un permis de construire ne peut être refusé (ou délivré sous conditions) sur le fondement de règles d’urbanisme nouvelles qui seraient entrées en vigueur pendant cette période.

Laquelle de ces deux dispositions faire prévaloir lorsqu’un permis de construire est sollicité au sein d’un lotissement de moins de 5 ans mais qu’une révision du PLU est en cours ?

Le PC doit-il être délivré du fait de la cristallisation des règles d’urbanisme et ceci nonobstant la révision en cours ?

Ou au contraire, un sursis à statuer doit-il être opposé du fait de cette révision (dans l’hypothèse bien entendu où le projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan) au mépris de la cristallisation des règles d’urbanisme ?

Le Conseil d’État a tranché en faisant primer la cristallisation des règles d’urbanisme sur le régime du sursis à statuer : CE, 31 janv. 2022, n° 449496, Cne Rillieux-la-Pape.

Ainsi, dans le délai de 5 ans, les colotis sont assurés non seulement que leur PC ne pourra leur être refusé sur le fondement de règles nouvelles mais également qu’un sursis à statuer ne pourra être opposé à leur demande d’autorisation de construire au motif que la règle d’urbanisme est en train d’évoluer.

 

Claire GALLOIS - Avocate et Docteur en droit public

Claire GALLOIS - Avocate et Docteur en droit public

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