Loi 3DS & EPL : les principales modifications apportées par la Commission de l’Assemblée nationale

/ décembre 9, 2021

Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit "3DS", ajusté par la Commission des lois de l’Assemblée nationale est actuellement examiné par les députés en séance, en vue d’une adoption en janvier 2022.

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1 . Renforcement du contrôle des assemblées délibérantes des collectivités actionnaires au travers du rapport des élus locaux mandataires et du contrôle des prises de participations

Les élus mandataires des collectivités locales au sein du conseil d’administration d’une EPL doivent soumettre annuellement à l’assemblée délibérante de leur collectivité un rapport écrit qui porte notamment sur les modifications qui ont pu être apportées aux statuts de la Société (1).

Dans l’objectif de renforcer l’efficience du contrôle des assemblées délibérantes des collectivités sur la gestion des EPL, le projet de loi 3DS prévoit de renforcer la portée de ce rapport (2) :

  • en imposant un débat sur le rapport préalablement au vote de l’assemblée délibérante sur son approbation ;
  • en étoffant son contenu : le rapport devrait ainsi comporter, en plus des informations générales sur la société et notamment sur les modifications des statuts, des informations financières, le cas échéant consolidées, ainsi que les éléments de rémunération et les avantages en nature de leurs représentants et des mandataires sociaux y compris pour les dirigeants qui ne sont pas des élus locaux.

Le contrôle des assemblées délibérantes des collectivités actionnaires est également renforcé s’agissant des prises de participations réalisées par les EPL au sein de sociétés, lesquelles ne sont pas exemptes de risques pour les collectivités.

En l’état actuel du droit, seules les prises de participations au sein de sociétés commerciales sont expressément subordonnées à l’accord préalable des collectivités actionnaires disposant d’un siège au conseil d’administration.

Le projet de loi 3DS étend cette procédure d’habilitation préalable des collectivités disposant au moins d’un siège d’administrateur à l’ensemble des prises de participations directes des SEML [les SPL n’ayant pas vocation à prendre des participations] dans toute société, commerciale ou civile, et tout groupement d’intérêt économique, qu’il dispose ou non d’un capital (3).

Les seuils de déclenchement de cette procédure d’habilitation en fonction de l’importance des prises de participations directes et du type de société (commerciale ou civile) qui avaient été proposés par le Sénat en juillet dernier sont supprimés.

En l’état, le projet de loi n’exige pas l’accord des collectivités actionnaires qui ne détiennent pas de siège d’administrateur.

En outre, le projet de loi étend la procédure d’habilitation préalable aux prises de participations indirectes des EPL dès lors qu’elles confèrent à la société ou au GIE qu’elles contrôlent au moins 10 % du capital ou des droits de vote d’une société.

 Les prises de participations indirectes inférieures au seuil de 10 % devront, quant à elles, faire l’objet d’une information des élus mandataires à la plus proche assemblée délibérante de leur collectivité.

A noter que la Commission des lois de l’Assemblée nationale a rétablit la sanction de nullité en cas de non-respect de cette obligation d’habilitation préalable que le Sénat avait proposé de supprimer.

2. Sanction du défaut de communication au préfet des délibérations des organes des Epl.

Dans l’objectif d’assurer l’effectivité de l’obligation de transmission des délibérations des conseils d’administration et assemblées générales au représentant de l’Etat (1), le projet de loi 3DS sanctionne par la nullité le défaut de communication des délibérations au préfet tout en doublant le délai de communication (le délai de 15 jours actuellement en vigueur étant porté à un mois) et en prévoyant la possibilité d’une communication électronique (4).

 Soulignons que le régime de nullité proposé est celui prévu par les articles L. 235-2 à L. 235-14 du code de commerce, lequel permet une régularisation à travers la communication, même tardive, des actes.

3. Sécurisation de la situation des élus locaux mandataires de leur collectivité

Rappelons que dans son Guide déontologique publié en février 2021, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique recommandait aux élus locaux de se déporter dans l’hypothèse où, en tant que membres d’une assemblée délibérante ou en tant qu’exécutifs locaux, ils auraient à prendre ou participer à la prise d’une décision relative aux EPL au sein desquelles ils représentent leur collectivité, au motif que cette situation serait constitutive d’un conflit d’intérêts (5) et d’une prise illégale d’intérêts au sens du code pénal (6).

Cette position, prudente à l’extrême, ne paraissait pas conforme à l’esprit du législateur relatif au principe du contrôle des EPL par leurs collectivités actionnaires.

Dès lors, afin de sécuriser la situation des élus locaux siégeant au sein des organes d’EPL en tant que mandataires de leur collectivité, le projet de loi 3DS prévoit de préciser expressément dans le CGCT que les représentants des collectivités participant aux organes d’une personne morale de droit public ou de droit privé (tels que les conseils d’administration, les assemblées générales, la direction générale des EPL) ne sont pas considérés, de ce seul fait, comme étant intéressés à l’affaire au sens du code pénal ou de la loi sur la transparence de la vie publique lorsque la collectivité délibère sur ses relations avec la personne morale concernée, y compris lors du vote du budget de leur collectivité (7).

Le projet de loi prévoit toutefois que ces élus ne pourront pas participer :

  • aux commissions d’appel d’offres ou aux commissions de délégation de service public lorsque l’EPL est candidate (disposition déjà existante (8)).
  • aux délibérations de la collectivité attribuant à l’EPL une garantie d’emprunt ou une aide (prestations de services, de subventions, de bonifications d’intérêts, de prêts et d’avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que les conditions du marché, rabais sur le prix de vente, de location ou de location-vente de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés, crédit-bail à des conditions plus favorables que celles du marché (9)).
  • aux délibérations portant sur leur désignation ou leur rémunération au sein de l’EPL.

Ce dispositif vaudrait également, à l’inverse, quand les élus concernés participent aux décisions de cette personne morale portant sur ses relations avec leur collectivité.

4 .Mise en place d’un statut dédié aux élus siégeant au sein des organes des filiales d’EPL

Le projet de loi 3DS met en place un statut pour les élus locaux exerçant des fonctions au sein de filiales d’EPL qui se substitue au droit commun qui leur est actuellement applicable (10).

En effet, si les élus locaux siégeant au sein du conseil d’administration d’EPL ou assurant les fonctions de PDG en tant que mandataires de leur collectivité jouissent d’un statut protecteur (transfert de la responsabilité civile qui résulte de l’exercice du mandat à leur collectivité, exclusion de la qualification d’entrepreneur local et de personne intéressée à l’affaire) (11), ce statut n’est actuellement pas transposé aux élus locaux exerçant des fonctions au sein de filiales de ces EPL.

Dans cette dernière hypothèse, les élus ne sont pas regardés comme des mandataires de leur collectivité mais comme des administrateurs de droit commun et sont donc soumis au même régime que ceux-ci s’agissant de leur responsabilité civile et pénale, des règles encadrant le conflit d’intérêts et des incompatibilités et inéligibilités concernant les entrepreneurs locaux.

Le dispositif proposé par le projet de loi 3DS pose, en premier lieu, le principe d’une représentation de l’EPL :

  • d’une part, au sein de l’assemblée générale de la filiale, par l’un des représentants de ses collectivités actionnaires siégeant au conseil d’administration ;
  • d’autre part, au sein de l’organe d’administration ou de surveillance de la filiale, par une partie des représentants de ses collectivités actionnaires siégeant au conseil d’administration.

Il est néanmoins prévu que les statuts des EPL puissent déroger à ce principe.

En second lieu, le statut protecteur des élus siégeant au sein des organes des EPL est transposé aux élus siégeant au conseil d’administration ou au conseil de surveillance de leurs filiales constituées sous forme de sociétés anonymes.

En l’état actuel du projet de loi, il est regrettable que seules les filiales et les sociétés constituées sous forme de sociétés anonymes soient visées par ce dispositif. En seraient ainsi exclues les prises de participations dans les sociétés dans lesquelles les EPL ne détiennent pas plus de la moitié du capital social et/ou revêtant une autre forme (SAS, SCI, …).

5. Réaffirmation de l’exclusivité de l’intervention des SPL pour le compte de leurs collectivités actionnaires

Dans le projet de loi adopté le 21 juillet dernier (12), le Sénat avait proposé de substituer au principe d’exclusivité de l’intervention des SPL pour le compte de leurs collectivités actionnaires (13), un seuil minimal d’intervention de 80 %, conformément à l’exception de la quasi régie (« in house ») prévue par le code de la commande publique (14).

Les SPL auraient ainsi été autorisées à intervenir pour des tiers ou dans le cadre d’opérations propres jusqu’à 20 % de leurs activités tout en conservant la possibilité de bénéficier de l’exception de la quasi-régie dans le cadre de leurs relations contractuelles avec leurs collectivités actionnaires.

Cet élargissement du champ d’intervention des SPL a été supprimé par la Commission des lois de l’Assemblée nationale aux motifs :

  • qu’il s’écarterait de la « logique des SPL » qui serait de réaliser l’intégralité de leurs activités au profit des collectivités actionnaires ;
  • qu’il risquerait de déséquilibrer les conditions de concurrence entre les SPL et les TPE/PME au détriment de ces dernières ;
  • que l’introduction du seuil de 80 % induirait une marge d’erreur dans l’appréciation du volume d’activités, source éventuelle de contentieux.

[1] Art. L.1524-5 al. 14 du CGCT
[2] Art. 70 du projet de loi 3DS arrêté par la Commission des lois de l’AN déposé le 25 novembre 2021
[3] Art. 70 du projet de loi 3DS arrêté par la Commission des lois de l’AN déposé le 25 novembre 2021
[4] Art. 73 du projet de loi 3DS arrêté par la Commission des lois de l’AN déposé le 25 novembre 2021
[5] Art. 2 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013
[6] Art. 432-12 du code pénal
[7] Art. 73 ter du projet de loi 3DS arrêté par la Commission des lois de l’AN déposé le 25 novembre 2021
[8] Art. L. 1524-5 al. 12 du CGCT
[9] Art. L. 1511-2 et L. 1511-3 du CGCT
[10] Art. 73 bis du projet de loi 3DS arrêté par la Commission des lois de l’AN déposé le 25 novembre 2021
[11] Art. L. 1524-5 du CGCT
[12] Art. 73 quater du projet de loi 3DS adopté par le Sénat le 21 juillet 2021
[13] Art. L. 1531-1 du CGCT
[14]Art. L. 2511-1 et L. 3211-1 du CCP

 

Anne-Sophie KERVELLA - Avocate associée

Anne-Sophie KERVELLA - Avocate associée

Chloé LE MIGNANT - Avocate

Chloé LE MIGNANT - Avocate

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